Une bourrasque d’air ballotta notre voiture lorsque nous croisâmes un autre train. Quelqu’un m’adressait un signe en agitant frénétiquement sa main, au centre de la voiture, où les deux rangées de banquettes sont disposées en vis-à-vis, « Jacques ! Jacques ! ».
Ok, c’est Johnny Paterson, le père d’Alain, agent de sécurité et aussi les mousquetaires. C’était leur surnom, les mousquetaires.
_ Salut Jacques ! On va faire une place, disait-il.
 _ Salut tout le monde, Ben, Maggy. 
Comme d’habitude, leur passe temps préféré « la belote ». Bien sûr la partie était déjà largement entamée.
 
Revenons à notre mouton. Dans la plupart des voitures réservées aux non fumeurs, l’ambiance est, disons, particulière, tristounette, mortelle, quoi !. Le silence du wagon vous incite à parler très bas. Un relent de mélange de différents parfums de toutes les maisons de cosmétiques plus ou moins connues, à des prix exorbitants ou moindre, massacre vos narines en vous donnant un mal de crâne du diable et un haut le cœur, à donner envie de gerber sur votre voisin. 
La plupart du temps, la voiture est au tiers pleine. Certains voyageurs sont plongés dans leurs journaux, d’autres ont les paupières encore mi-closes et d’autres encore ne pensent à rien en fixant par les fenêtres, comme des robots en déconnexion, mais personne ne se soucie des voisins. Ils semblent distraits et malheureux comme Madame Michèle qui a perdu son chat. A mon avis et à mon avis seulement, quatre vingt pour cent de ces gens ont arrêté de fumer, uniquement par challenge, orgueil ou pour raison de santé mais pas par plaisir d’arrêter de cloper. 
Enfin, un conseil d’ami, ne ramassez jamais les journaux traînés sur la banquette, vous risqueriez d’avoir toute la famille de Mickey (les crottes de nez) collée à vos doigts.